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Affaire Handuli : Colas dans le collimateur des élus et de la société civile

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TRANSPARENCE. «Nous ne sommes contre aucune société qui souhaite investir aux Comores, mais que cela se fasse dans le respect des lois», a déclaré lundi Younoussa Said M’madi,  président du Conseil de l’île, au cours d’une  conférence réunissant la presse locale, la commission de la production de l’Assemblée nationale, les maires des communes de Ngazidja, le Conseil des sages, des représentants de la Fédération des consommateurs et du syndicat des travailleurs, ainsi que des membres de la notabilité.

 

Le bureau du Conseil de l’île de Ngazidja a convié, le lundi 29 juin au siège de l’institution, la presse locale, la commission de la production de l’Assemblée nationale, les maires des communes de Ngazidja, le Conseil des sages, la Fédération comorienne des consommateurs (Fcc) et le syndicat des travailleurs, ainsi que  des membres de la notabilité, pour débattre sur le projet d’exportation par voie maritime d’agrégats du site Handuli vers le Mozambique par la société française Colas. «Il y a un peu plus d’une semaine, le 20 juin dernier, le conseil de l’île a été saisi par une délégation  de Pvanambwani sur ce qui se passe actuellement sur la carrière Handuli. Elle nous a présenté des produits minéraux parmi ceux extraits par la société Colas. Nous avons demandé l’avis de deux experts nationaux sur la nature réelle de ces matériaux. Et nous vous prenons à témoin sur ce qui est en est ressorti», a déclaré, d’entrée de jeu, Younoussa Said M’madi, président du Conseil de l’île. «Nous ne sommes contre aucune société qui souhaite investir aux Comores, mais que cela se fasse dans le respect des lois», a-t-il ajouté.

Devant l’assistance, les deux experts ont affirmé que les produits extraits du site Handuli par Colas, et dont des échantillons ont pu être récupérés par des jeunes de Pvanambwani, seraient des «mines de métaux».»Lorsqu’on nous a présentés ces matériaux, extraits dans le sous-sol, nous avons procédé à un certain nombre de tests qui montrent que lesdits produits regorgeaient de minerais. Nous avons constaté que ces produits pourraient être hautement bénéfiques pour le pays dans le domaine industriel, par exemple dans la fabrication des pièces d’automobile et d’avion. Reste maintenant à savoir la quantité de ces métaux.

 

Contrat à caractère illégal

 

Bien entendu, des analyses supplémentaires sont nécessaires. Et nous n’avons pas les outils adéquats pour faire des analyses plus poussées», a fait savoir docteur Kassim Mohamed Aboudou, enseignant-chercheur à l’Université des Comores.

Youssouf Saidou Idjihadi, enseignant de Sciences physiques dans diverses académies françaises, notamment à Paris et Créteil, va plus loin : «La densité des matériaux que nous avons examinés m’a permis d’affirmer que ceux-ci contiennent du zinc, produit utilisé notamment dans la fabrication des tôles. Sur certains des cailloux présentés, nous avons aussi pu détecter la présence de quarks, un produit largement utilisé dans la fabrication des téléphones portables par exemple».

Au-delà des analyses scientifiques de ces deux chercheurs, de nombreuses interventions ont fermement condamné le caractère illégal du contrat accordant à Colas, filiale du groupe Bouygues, le droit d’extraire pendant dix ans renouvelables et sans limitation de quantité les matériaux de la carrière Handuli, située dans région d’Itsandra –Hamanvu.

Rappelons qu’au mois de décembre dernier, un accord entre l’Association Nduli et la société Colas concédait à l’entreprise française le droit exclusif d’extraire et de disposer de tous matériaux techniquement et économiquement exploitables sur ce site. La location est consentie moyennant un loyer mensuel de 2,250 millions de fc. Ce loyer sera versé en trois parts égales de 750.000 fc entre les villages d’Usipvo (commune de Hamanvu), de Pvanambwani et M’vunambadani (commune de Mbadani). Il convient de préciser que dans l’annexe contenant les signatures des représentants des villages cités, il manque la signature de celui de Pvanambwani (lire Al-watwan du 16 décembre 2014).

 

Violation de tous les textes

 

«Nous ne nous opposons pas systématiquement à l’exportation des cailloux, nous voulons que les institutions de l’Etat, allant de l’Assemblée nationale jusqu’aux conseils des îles, soient impliquées dans ce dossier. Pour savoir justement ce que gagne le pays. La construction d’un mur d’une école en échange de ces exportations, ce n’est pas ce que nous attendons, ce n’est pas ce que la population attend», a déclaré Assoumani Hassani du Collectif des jeunes de Pvanambwani.  Dans son intervention, Mohamed Said Abdallah Mchangama, président de la Fcc a dénoncé la violation de tous les textes législatifs et réglementaires du pays par la société Colas.

« Ce qui se passe en ce moment relève du mépris par rapport à notre indépendance. On nous parle de contrat de location, mais est-ce qu’on loue un bien qu’on prévoit de détruire ? Dans cette affaire, Colas se comporte comme s’il n’y avait pas de lois dans ce pays. […]Je pense que même au temps du colonialisme, les colons faisaient des lois taillées sur mesure  pour pouvoir agir à leur guise. Cette fois, c’est le mépris total», a-t-il lancé.

Parmi ces textes foulés au pied par le groupe français,  il y a la loi cadre N°94-019 du 22 juin 1994, modifiée en 1995 relative à l’environnement, et les décrets N°001-52/Ce et N°06-019/Pr respectivement relatifs aux études d’impact sur l’environnement et à l’exploitation des carrières. 

Pour rappel, en mai dernier, 93 personnes, toutes des habitants de la localité de Vanamboini, ont été arrêtées après avoir essayé de bloquer les travaux de construction du port d’exportation déjà lancés par Colas. «Nous devons trouver une stratégie commune afin de demander des explications au gouvernement et exiger le respect des lois», a déclaré Soudjay Hamadi, ancien président de l’Assemblée de l’île de Ngazidja.

Même son de cloche pour le président de l’association des maires de Ngazidja. Il y a quelques mois, les associations de la société civile avaient demandé au président Ikililou d’annuler purement et simplement ce contrat de bail pour lever toute suspicion sur la position du gouvernement. Le Président n’a pas encore réagi à cette demande.

Kamardine Soulé