Imprimer

Shindini ou le marché florissant du transport vers Mwali

Le .

Joomla
Joomla

Wordpress
Wordpress

alwatwan actu image 

 

TRAVERSEE MARITIME. Depuis vingt ans, cet ancien pêcheur fait un aller-retour quotidien entre Shindini et Howani et transporte 15 à 20 passagers par voyage. Le marché est très lucratif. En 1995, il a, en effet, préféré ranger ses lignes pour se consacrer à cette activité. Il dispose d’un réseau d’amis, notamment des chauffeurs de bus, qui lui apportent de la clientèle. ‘‘On transporte  de gens de différents milieux sociaux. J’ai affaire à des diplomates, des hommes d’affaires et autres ministres. J’ai même amené un jour l’ancien président Azali à Mwali’’, raconte-t-il, fier de lui.

 

Il est 8 h 15 mn ce samedi 26 septembre. L’embarcadère de Shindini, au sud-est de Ngazidja, grouille de monde. D’ici, plus d’une centaine de personnes partent chaque jour vers l’île de Mwali, distante de seulement quelques kilomètres. A notre descente du véhicule, un jeune homme, un sac à dos rouge en bandoulière, nous aborde ; il cherche à savoir si nous étions des candidats au départ. Un autre, plus loin, le presse de vite ‘‘conclure le marché’’ puisque, dit-il, une vedette rapide allait lever l’ancre aussitôt.

Lui, c’est Absoir Hamada, la quarantaine. Le trajet entre Shindini et Howani n’a aucun secret pour cet ancien pêcheur reconverti dans le transport maritime. Il en connait les moindres détails. Depuis vingt ans, il fait un aller-retour quotidien entre les deux îles et transporte 15 à 20 passagers par voyage.

Le marché est très lucratif. En 1995, il a préféré ranger ses lignes pour se consacrer à cette activité. Il dispose d’un réseau d’amis, notamment des chauffeurs de bus, qui lui apportent de la clientèle. Une clientèle diverse et variée. ‘‘On transporte  de gens de différents milieux sociaux. J’ai affaire à des diplomates, des hommes d’affaires et autres ministres. J’ai même amené un jour l’ancien président Azali à Mwali’’, raconte-t-il, fier de lui.

Vers 8 h 45, la plage de Shindini est méconnaissable. Les passagers ont commencé à arriver par petits groupes. Sacs de riz ou de sel, boissons sucrées, brouettes, grosses marmites, écran de télévision,… Les bagages sont couchés et empilés les uns sur les autres. Ils attendent d’être embarqués.

Avant de monter à bord, tout passager est tenu de porter un gilet de sauvetage. Comme cette jeune fille nouvellement mariée, venue en robe de satin rouge. Elle est vite partie se changer (short et tee-shirt), pieds nus et prête pour l’aventure.

Prendre la vedette pour se faire soigner à Mwali

Mohamed Oussein, originaire de Dimadju-ya-Hamahamet, accompagne son neveu, victime d’un grave accident la veille. «La situation à El-Maarouf ne nous permet pas de rester ici. Mon neveu doit subir une intervention chirurgicale ; à l’hôpital, on lui a mis un plâtre et on nous a dit d’attendre une semaine pour effectuer l’intervention. Alors je préfère l’amener à Mwali», confie-t-il.

De son point de vue, passer par Shindini, c’est plus facile. «De Shindini à Mwali, on passe moins de temps que de Moroni à Shindini, alors autant prendre cette voie. Autrement, cela m’aurait pris beaucoup de temps et d’argent», a-t-il ajouté.

L’année dernière, quand il s’était rendu à Mwali, toujours pour la même raison de santé, il avait payé 7.500fc à l’aller ; cette fois, le trajet est de 10.000fc. Il déplore un peu cette hausse du tarif. «Si nous avons opté pour la vedette, c’est aussi parce que nous n’avons pas de moyens pour prendre un bateau ou un avion», dit-il.

Mohamed Oussein estime qu’il n’y a pas assez de surveillances pour ce genre de trafic maritime. Il appelle donc l’Etat à s’y impliquer davantage. Lui aussi, comme les autres passagers, son transporteur habituel le prend en charge dès son arrivée Place Karthala, la gare d’où partent les véhicules qui desservent la ligne de Badjini-est.

Une maison en taule située au bord de la mer fait office d’agence de voyage. Equipée d’une table et d’une chaise, les passagers font la queue pour se faire enregistrer. Ici, chaque passager présente sa pièce d’identité et donne son numéro de téléphone avant de payer son billet. On ne sait jamais,….

Youssouf Mmadi, natif de Fomboni, fait ses déplacements habituels entre Moroni et Howani depuis Shindini. Lui aussi pense qu’il faudrait renforcer les mesures de sécurité. «Le gouvernement sait très bien que ces voyages sont réguliers. Les autorités elles-mêmes prennent ces vedettes pour se rendre à Mwali. Je pense qu’elles doivent s’impliquer un peu plus pour réglementer ce transport et équiper ces embarcations de radio-message au cas où», souligne-t-il.

Manque de moyens de communications appropriés

Les transporteurs évoquent le manque de moyens de communication en mer comme l’une des principales difficultés. C’est le cas d’Ahamada Swefou alias Wabel. «A Shindini, nous nous sommes constitués en association appelée Ntsadjiva. Elle a été créée pour notre protection en mer. A cette époque-là, lorsqu’un pêcheur était perdu en mer, nous disposions des fonds et déployions des vedettes pour aller à sa recherche», insiste-t-il.

Et de poursuivre : «tout problème qui survient en mer et qui touche Shindini, nous sommes toujours les premiers à intervenir.» Entre temps, le village a abandonné la pêche artisanale au profit du transport entre Shindini et Mwali. Wabel peut effectuer jusqu’à trois voyages aller-retour par jour. Le trajet dure une heure, s’il n’y a pas assez de bagages. «Nous regardons la météo avant de partir, donc nous ne faisons pas souvent d’accidents», a-t-il martelé.

L’association Ntsadjiva s’occupe de la sécurité et suit de près ce qui se passe en mer, chaque fois qu’un bateau prend le large. «Une fois en mer, nous alertons ceux qui sont à Mwali et si l’heure à laquelle le bateau devait arriver, il ne l’est pas, on nous tient informés», souligne-t-on. Wabel se rappelle avoir connu seulement deux accidents en mer depuis qu’il exerce le métier ‘‘d’armateur’’.

Le premier, c’était un vendredi. Alors qu’il pleuvait, il a fait une panne et est resté deux jours en mer, le troisième il s’est retrouvé à Mitsamihuli. «Le deuxième, je ramenais des passagers depuis Mwali, puis tout d’un coup la météo a changé, les moteurs ont bloqué  et nous nous sommes noyés, mais aucun mort. Nous sommes finalement arrivés car nous n’étions pas loin de la côte», se souvient-il.

Mahmoud Athoumani, alias Gringo lui, est chargé de la sécurité des passagers, quelque soit la destination (Mwali ou Ndzuani). «Nous assurons la sécurité de presque tous les pêcheurs, il suffit d’avoir mon numéro et de m’appeler en cas d’accident en mer et nous intervenons. Même les grands bateaux de pêches qui vont à Ndzuani ont recours à nos services. Nous déployons des vedettes à la minute près pour secourir les passagers», dit-il.

Se faire enregistrer avant l’embarquement

Avant l’embarquement, les passagers sont soumis à un interrogatoire serré, pour savoir si la personne ne fuit pas la prison ou son mari, si elle n’est pas recherchée par la police,... Pour reconnaitre ces informations, Gringo passe des appels.

Au début, tout propriétaire d’une vedette cotisait 2.500 fc par mois. Puis le village s’en est mêlé et leur a octroyé un bâtiment qui appartenait jadis à la mairie, pour faire de la restauration et générer des revenus en plus des 500 fc. Gringo autorise en moyenne le départ de quatre vedettes par jour, avec douze personnes à bord, plus les trois commandants.

Les voyages se font du matin jusqu’à 17 h 00. Au-delà, aucun bateau n’est autorisé à prendre la mer. «Un transporteur ou un pêcheur qui prend la mer au-delà de 17 h 00 à notre insu, il n’est pas sous notre responsabilité et en cas de problème, nous attendons le matin pour intervenir», a-t-il signalé.

Abouhariat Said Abdallah