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Fahmy Thabit, délégué du secteur privé au sein de la société de pêche : «Beaucoup de questions restent encore entières»

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INTERVIEW. A quelques semaines de l’arrivée à Moroni des représentants des principaux actionnaires de la société nationale de pêche, nous avons interrogé Fahmy Thabit, président de l’Union des chambres de commerce,  d’industrie et d’agriculture (Uccia) et délégué des actionnaires privés comoriens au sein du Conseil d’administration de la société de pêche, pour comprendre les raisons du non-démarrage des activités de l’entreprise.

 

Les activités de la société de pêche sont à l’arrêt. Peut-on savoir où se trouve le blocage ?

Aujourd’hui, il est vrai que les choses sont au ralenti, bien qu’on ait déjà effectué la première phase de ce projet, c’est-à-dire la construction des infrastructures. Après cette première phase, les actionnaires demandent un audit. Pas parce qu’il y a quelque chose de suspicieux, mais c’est tout à fait normal qu’une fois la phase de construction terminée, de faire un break, de regarder ce qui s’est bien passé et ce qui s’est mal passé. Savoir comment l’argent investi a été géré et si l’entreprise à laquelle a été confiée la gestion a respecté ou  non le cahier de charges.  Actuellement, on est à la phase de gestion. Il y a toute une partie technique préalable pour démarrer cette phase de gestion. Je pense que le ministère de la Production a un rôle important à jouer. Car, pour pouvoir exporter, il faut des certifications internationales.

 

Pour expliquer ce blocage, certains parlent d’un problème de certifications. Qu’en est-il vraiment ?

Nous-mêmes nous nous demandons pourquoi cela ne commence pas. A chaque fois, il y a eu des reports de date. On nous avait dit que les activités allaient commencer l’année dernière, ce n’était pas le cas. On nous a finalement donné rendez-vous pour le mois d’avril, puis celui de septembre. Et jusqu’à maintenant, cela ne s’est pas fait. Il y a un consultant qui est venu ici pour mener l’audit.  Nous n’avons pas encore eu les résultats de cet audit. Je pense qu’avec l’arrivée prochaine de la délégation des membres du conseil d’administration, nous aurons des réponses un peu plus claires. Il faut savoir que  les dividendes vont venir au moment où l’usine aura commencé ses activités, à vendre et à faire des profits. Jusqu’à maintenant, nous, en tant  qu’actionnaires, nous nous demandons pourquoi les activités de l’usine ne commencent pas.

 

La phase de construction est terminée, peut-on dire que l’usine est donc fin prête ?

Il faut dire que beaucoup de choses ont avancé. Puisque à 80%,  l’usine est prête. Les unités de production sont là. Les bateaux ont été fabriqués. Par ailleurs, un package très intéressant nous a été présenté. Un package qui voulait qu’on ne fasse pas que de la pêche, mais aussi de la transformation. En effet, dans cette grande usine, il y a des unités de capture de poissons avec les vedettes et des unités de conservation, mais aussi une unité de transformation de poissons sous forme de conserve. Et une usine pour faire de l’huile de poisson, une unité de production de farine animale,... La formation, c’est très important. Ainsi beaucoup de personnes ont-elles été formées pour conduire les bateaux, pêcher, ou suivre toutes les étapes de transformation des produits de mer.

 

Cette usine avait suscité beaucoup d’espoir en termes de création d’emploi. On est encore loin du compte…..

C’est un projet très important pour un pays comme le nôtre, où il y aurait eu  4.000 emplois directs et 6.000 emplois indirects. Donc, chose qui est très importante, car cela  fait  10.000 personnes qui vivraient de cette industrie. En comparaison un peu, on a aujourd’hui  12. 000 fonctionnaires employés par l’Etat. Donc, 10.000 emplois   pour nous, c’est beaucoup. C’est quand même dix mille comoriens  qui sortent du chômage. C’est quand même dix mille personnes qui vont pouvoir consommer. C’est quand même de l’argent qui va venir dans les sociétés comoriennes. Puisqu’ils vont consommer ici localement.  Ce n’est pas de l’argent qui va partir vers l’extérieur. Cela va permettre aussi de faire rentrer des devises. Enfin, c’est aussi un moyen d’améliorer notre balance commerciale. Car on sait que 75 à 80% des produits pêchés ou transformés dans cette usine iront vers l’extérieur.

 

Un million de dollars d’action pour le secteur privé local, c’est quand même peu, non ?

Tout d’abord  parlons des actionnaires de cette société, qui sont le gouvernement comorien, le gouvernement qatari, des privés qataris et des privés omanais. Et chose plus importante, c’était comment aussi intégrer les Comoriens dans ce projet. Puisque, pour qu’on puisse s’approprier ce projet, qui vient de l’extérieur, il fallait qu’il ait des actionnaires comoriens. Donc, une part qui équivaut à 1 million de dollars, soit 350 millions de francs comoriens, a été donnée à la Chambre de commerce.

Ces 350 millions on les a divisés en 1000 parts. Donc, avec 350 000 francs comoriens on pouvait acheter une part. Une communication fut menée pour sensibiliser les gens désireux d’acheter des parts dans cette société de le faire à travers la Chambre de commerce. 

Nous avions tablé à peu près entre 800 et 1000  acheteurs. Mais comme c’est une nouvelle façon de faire, les Comoriens, sont un peu frileux. Aujourd’hui, nous avons  pu en vendre à peu près entre  400 et 500 parts, achetées par des Comoriens. Ces gens, nous leur avons présenté un plan, comment ils vont avoir des dividendes dès que les activités auront commencé. Nous leur avons  montré qu’en trois ans, une fois les activités lancées, ils peuvent rattraper ce qu’ils ont déjà mis. Il est vrai que nous n’avons pas rempli les 1000 parts. Mais ce qu’il faut retenir c’est qu’aujourd’hui des Comoriens ont acheté des actions dans une entreprise qui n’existait même pas.  Ces infrastructures que nous voyons aujourd’hui  n’y étaient pas. Il y avait un terrain plat. Mais ils ont quand même acheté. C’est dire qu’il y a quelque chose de positif qui se dessine. Pour répondre à la question posée, si on regarde dans les actions en général, le  1 million de dollars que nous avons - nous, privés comoriens - ne représente même pas 1% . Nous n’avons pas vraiment la capacité de changer les choses là bas, mais nous sommes dedans. Et  une association des petits porteurs est en train de se former pour défendre les intérêts des petits actionnaires.

 

D’où vient exactement ce projet ?

La société  de pêche s’est créée après la conférence de Doha (tenue en mars 2010 en faveur des Comores, Ndlr), qui avait mis en exergue les points pour stimuler notre économie. Comme notre principale matière première ici aux Comores, c’est la mer et les produits de la mer, on se dit qu’il fallait avoir une industrie pour transformer ces produits. Avant de lancer ce projet, il y a eu une étude qui a été faite par une société américaine de renommée internationale sur comment développer cette usine aux Comores. Ils ont lancé un appel à manifestation d’intérêt, puis un appel d’offres pour pouvoir recruter  les gestionnaires de cette usine. Et ils ont pris la société sri-lankaise Hairu Engineering. Je pense qu’aujourd’hui,  nous ne devrions pas regarder quand est-ce que cette usine va tomber. Mais nous devons faire tous en sorte qu’elle réussisse. J’aimerais qu’on soit positifs. Car c’est dans l’intérêt de tout le monde. Et que cet exemple serve de tremplin. 

 

Le bruit court au sujet d’un bateau de la société de pêche qui serait vendu à l’étranger…

Il y a un audit en cours, il va donner ses conclusions. Si ces conclusions montrent qu’il y a eu un non-respect du cahier de charges, alors les actionnaires prendront les mesures nécessaires. Pour l’instant, on n’est pas en mesure de vous le dire puisque nous n’avons pas d’informations à ce sujet. 

Pour nous notre interlocuteur c’est toujours Hairu. Nous entendons beaucoup de choses, mais nous  faisons confiance au conseil d’administration, car ce sont des gens qui ont quand même mis beaucoup d’argent. Aujourd’hui, on parle d’à peu près entre 25 et 28 millions d’euros investis.  Il reste encore quelques millions à investir pour que ce soit opérationnel.

Pour ce qui est du bateau qui serait vendu, ce sont des rumeurs.  Mais nous n’avons pas de preuves. Pas plus pour les bateaux qui devraient venir, nous ne savons pas quand est-ce qu’ils seront là. Je pense que c’est le ministère qui peut répondre à ces questions. 

 

Propos recueillis par Kamardine Soulé