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Conseil de l’île de Ndzuani : «Un retour de M. Bacar à Ndzuani n’est pas bon pour l’île et le pays»

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RETOUR DE MOHAMED BACAR. J’ai moi-même un parent en exil, et j’aimerais le voir rentrer. Mais si son retour ici sera source de problème, alors autant qu’il reste là où il est. Quand j’étais député en 2013, un jour où le président Ikililou nous avait reçus, il avait déclaré : «J’ai déjà mille problèmes, et le retour de Mohamed Bacar en fera mille et un problèmes à résoudre ! Donc il ne rentrera pas tant que c’est moi qui suis là !».

 

Al-watwan: Nous ne sommes pas en période de session, et pourtant vous continuez à travailler. Que faites-vous exactement ?

DS : Le bureau permanent est ici pour écouter les doléances de la population et convoquer les responsables pour les écouter et espérer trouver des solutions. Pour cela, le commissaire à la Production et celui chargé des Finances y sont passés pour la question de la baisse du prix du girofle, celui de l’Education est aussi passé pour la question relative au concours de recrutement des enseignants. Nous avons aussi convoqué la société Asc [Anjouan Steavedoring Company] pour ses problèmes avec son personnel, le directeur des Hydrocarbures de Ndzuani pour savoir comment sont distribuées les dotations car certains services disent en être privés. Nous avons enfin entendu la directrice des impôts au sujet des boutiques que l’on ferme pour cause de non paiement de patente...

 

Al-watwan: Qu’avez-vous fait depuis votre installation en avril?

DS : Nous avions la délibération sur les Finances, une autre portant cadre réglementaire et institutionnel des systèmes d’adduction d’eau potable dans l’île et une troisième relative à la mise en place du mécanisme de gestion et de protection durable des ressources côtières. La délibération sur les Finances a été votée, mais les deux autres ont été rejetées pour cause de vice de forme surtout, mais aussi de fond.

 

Al-watwan: Quels objectifs législatifs se donne ce nouveau Conseil?

DS : La majorité et la minorité de notre Conseil travaillent dans une parfaite entente. Nous espérons tout simplement servir et répondre aux attentes de la population. Personnellement j’espère apporter ma contribution sur la revalorisation de nos mœurs musulmanes.

MAE : Nous espérons surtout légiférer en faveur de la protection de l’Environnement et la protection des zones à potentiel touristique afin de redonner à l’île son ancienne image de  «Perle des Comores» et du même coup lutter contre la sécheresse qui a commencé à sévir.

 

Al-watwan: Vous vous entendez bien entre majorité et minorité au sein de votre Conseil, mais qu’en est-il des rapports du Conseil avec l’Exécutif ?

MAE : Les rapports ne sont pas tendus, ou bien disons qu’il n’y a pas encore eu d’élément déclencheur de tension. Le gouverneur nous a même aidé à rencontrer le président de la République lorsque nous voulions intercéder en faveur de l’annulation de la fermeture du concasseur de Cgh [Comoro-Gul Holding].

DS : Disons que les rapports ne sont pas tendus, mais ils ne sont pas non plus au beau fixe. L’exécutif précédent ne nous ignorait pas comme le fait l’actuel. On n’est souvent pas invités aux manifestations publiques, ni informés de la plupart de ses projets.

 

Al-watwan: Comment jugez-vous l’action de cet exécutif, justement ?

DS :  Il y a du positif lorsqu’on pense notamment au financement du voyage des meilleurs bacheliers de l’île, ou lorsqu’on pense au projet du lycée d’excellence. Cette année, Ndzuani a décroché cinquante mentions au bac, c’est louable. L’exécutif aurait pu aller dans ce bon sens dans le cadre du récent concours de recrutement des enseignants, s’il avait tenu son engagement de recruter d’office les candidats gagnants de l’année précédente et qui étaient mis en réserve, ou s’il avait ouvert le concours aux seuls titulaires de diplômes d’enseignants.

Il y a par contre du négatif lorsque l’organigramme officiel régissant les exécutifs insulaires n’est pas suivi à Ndzuani. Tous les jours on nomme des conseillers et des chargés de missions à Dar-nadjah, au détriment du budget de l’île. Aujourd’hui, pour recruter le maximum l’obligation s’est imposée de partager la rémunération d’une personne entre deux ou trois personnes.

MAE : J’ajoute aussi que le système de gouvernance de notre exécutif est opaque. Par exemple, le rapport d’audit dressé par l’inspection des Finances ne nous a jamais été remis. Pour se justifier, l’inspecteur est même allé jusqu’à nous dire qu’il n’y avait pas d’autre copie et que la seule qui existe sert aux archives...

 

Al-watwan: Comment appréhendez-vous justement cette question de la chute du prix du girofle ?

DS :  L’exécutif de l’île a joué un jeu populiste dans ce dossier, en fixant arbitrairement le prix à 5.000 francs. Nous avons d’ailleurs été volontairement écartés des rencontres qui ont eu lieu entre les exportateurs de girofle et le commissariat à la Production sur ce sujet. Nous avions demandé au commissaire aux Finances s’il n’était pas possible que l’exécutif achète lui-même le girofle à ce prix-là pour exportation, et il avait répondu que c’était une bonne idée. Mais pourquoi ne la concrétise-t-il pas?

MAE : A mon avis, les autorités sont de mèche avec les exportateurs pour tromper le petit producteur. Ledit commissaire nous a raconté que les exportateurs refusaient de leur montrer leurs contrats. Vous croyez vraiment à cela ?

 

Al-watwan: On reproche à votre majorité d’avoir mis à la porte certains employés du Conseil n’étant pas de votre appartenance politique, Juwa. Etait-ce nécessaire de renvoyer des gens qui avaient plusieurs années de service ?

DS : Tout nouveau cabinet choisit ses collaborateurs à sa guise. Je ne vois pas où est le problème. Et puis cinq personnes remplacées sur cinquante deux employés trouvés là, ce n’est tout de même pas des «licenciements massifs» comme on le raconte!

MAE : Il faut surtout savoir que les personnes remplacées n’étaient plus tolérables, car c’étaient des techniciens or ils n’affichaient plus de neutralité politique. Il y avait parmi eux un ancien scripteur des débats qui sabotaient expressément son travail, et un conseiller juridique qui ne travaillait plus avec nous mais passait son temps à faire la navette entre Dar-nadjah et son bureau. Il ne nous adressait même plus la parole.

 

Al-watwan: L’unité de concassage de Comoro-Gulf Holding a échappé à la saisie du ministère des Finances, grâce notamment à l’entremise de votre Conseil. Sous quelles conditions cette reprise des opérations a été concédée ?

MAE : L’entreprise n’est pas vraiment opérationnelle. Les vice-présidents Mohamed Ali Soilih et Nourdine Bourhane ont signé un arrêté conjoint transférant son administration à une commission. Celle-ci comprend leurs représentants ainsi qu’un représentant du gouverneur Anissi. C’est déjà un arrêté qui se place au-dessus des décisions de justice émises et qui sont en faveur de Cgh. Mais, depuis la mise en place de cette commission, rien ne va, et les employés accusent déjà leur premier mois d’arriéré de salaire.

 

Al-watwan: Le grand rendez-vous électoral approche. Croyez-vous que les conditions pour des scrutins démocratiques sont réunies à Ndzuani ?

MAE : Au regard de ce qui s’est passé avec les législatives, il y a fort à craindre. Mais ce n’est pas une raison de baisser les bras. Nous croyons en la volonté du président de la République, comme il l’avait montré dernièrement. Son entourage n’est toutefois pas fiable.

DS : Le chef de l’Etat est tout aussi responsable car il est la tête. Au niveau de l’île, nous avons un hatub [prêcheur de vendredi] à la tête de l’exécutif. Nous espérons qu’il saura se ranger du côté des promoteurs de la paix et de la démocratie.

 

Al-watwan: Que pensez-vous du récent congrès des ulémas organisé par le gouverneur et que pensez-vous du retour de Mohamed Bacar à Anjouan ?

DS : J’ai moi-même un parent en exil, et j’aimerais le voir rentrer. Mais si son retour ici sera source de problème, alors autant qu’il reste là où il est. Quand j’étais député en 2013, un jour où le président Ikililou nous avait reçus, il avait déclaré : «J’ai déjà mille problèmes, et le retour de Mohamed Bacar en fera mille et un problèmes à résoudre ! Donc il ne rentrera pas tant que c’est moi qui suis là !». Aujourd’hui, si le président a revu sa position et pense que ce retour lui ôtera au contraire un problème sur les mille qu’il a, alors qu’il vienne ! Quant au congrès, nous n’avons pas été associés, et pourtant ce sont d’importantes assises, car les conflits confessionnels ont assez perduré.

 

MAE : Moi je pense que les deux affaires renvoient à la même chose, à savoir à des fins politiques personnalisées. Toutes les autorités de ce pays savent très bien que le retour de Bacar à Ndzuani n’est pas favorable à la stabilité de l’île et du pays, mais les raisons électoralistes l’emportent.

Au sujet du congrès des ulémas, il y avait déjà un Conseil des ulémas à Ndzuani. Pourquoi le gouverneur n’a pas cherché à renforcer celui-ci au lieu d’en créer un autre? A mon avis, ce Conseil n’est pas aimé car il ne jouait pas un rôle régulateur, mais était plutôt une plate-forme d’échanges qui regroupait toutes les confessions. Or, aujourd’hui il y a ce groupe confessionnel des wahhabites, proche du gouverneur, et qui entend prendre les rênes de ce conseil afin d’imposer sa vision de la religion sur l’île. C’est bien regrettable que, pour une question aussi cruciale, nous ayons pas été associés.

 

 

Propos recueillis  par Sardou Moussa