Imprimer

Abbas Mohamed Elhad, ministre de la Justice et des Affaires islamiques : ‘‘Mon devoir, c’est de protéger les citoyens contre les abus’’

Le .

Joomla
Joomla

Wordpress
Wordpress

alwatwan actu image

 

EXCLUSIVITE. Controverse autour du pèlerinage 2015, fonctionnement de la justice, réglementation des pratiques religieuses,… Le Garde des Sceaux et ministre de la Justice, Abbas Mohamed El-Had, a accepté de répondre aux questions d’Al-watwan. ‘‘Il faut parachever l’architecture des institutions pour garantir l’Etat de droit afin que tout le monde soit égal devant la loi’’, dit-il.

 

Vous renvoyez aux agences de voyage la responsabilité du calvaire vécu par les pèlerins comoriens. Quelles sont les nouvelles dispositions que le gouvernement entend mettre en place pour que plus jamais cela ne se répète ? Peut-on s’attendre, par exemple, à ce que l’Etat reprenne l’organisation du pèlerinage ?

Je ne veux pas jouer au ping-pong sur cette question. Toutefois, il y a eu des défaillances et à mon avis, nous devrons nous asseoir afin de déterminer les responsabilités des uns et des autres. Je pense qu’il y a lieu d’organiser des assises nationales pour faire intervenir toutes les parties prenantes. Les recommandations issues de ces assises permettront de corriger les erreurs du passé.

On accuse aussi l’Etat d’avoir un peu tâtonné, par rapport à la compagnie aérienne. On a évoqué la piste d’Ethiopian Airlines, puis d’Air Jordanie, ensuite d’Air Maldives,… Comment expliquez-vous ce ‘‘tâtonnement’’ ?

Nous avions établi un contrat bien ficelé avec la compagnie aérienne Ethiopian Airlines et j’avais la conviction qu’il a été bien fait. J’ai annoncé au cours d’une conférence de presse que les premiers pèlerins allaient quitter Moroni le 2 septembre, cela a été respecté, même-ci certains ne le croyaient pas. Mais comme c’est un dossier qui engage beaucoup d’argent, des tergiversations sont venues d’ici et là, certaines compagnies telles qu’Air Jordanie, Air Maldives ont été sollicitées. Nous les avons donc invitées à s’adresser à l’Aviation civile, mais ces compagnies n’ont pas répondu aux exigences de l’Anacm.

Dans tous les coins du pays, il suffit de savoir lire le Coran pour s’improviser prêcheur dans une mosquée. Ce désordre risque de déboucher sur un durcissement du discours religieux, avec les conséquences que cela suppose. Comment comptez-vous organiser la profession de prêcheur ?

Nous avons des soucis par rapport à la propagation de l’islam sur l’ensemble du pays. Je crois que nous devons cadrer ces prêcheurs, exiger un certain niveau de compétence pour pouvoir assurer ce rôle. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, mais vu ce qui se passe, je commence à me poser des questions, à m’interroger sur comment réglementer cette mission. J’ai donc effectué des entretiens avec des Ulema de renom, sur la question afin de réorganiser et éviter à notre pays des conflits religieux.

J’ai contacté le président de l’Université et d’autres personnes biens qualifiées et d’ici peu de temps, nous allons tenir des séminaires dans le but d’organiser ces missions. Dès mon arrivée au ministère, j’ai passé au niveau de l’Assemblée nationale, la loi mettant en place le conseil des Ulema. Ce conseil sera dirigé par des gens très compétents et sa mise en place va se pencher sur toutes ces questions religieuses.

Dans une circulaire publiée le 8 septembre, vous critiquiez le fonctionnement et la lenteur de la justice. Ces critiques ont suscité un tollé chez les magistrats. Quelles sont les mesures concrètes que vous avez prises depuis votre nomination pour réformer l’appareil judiciaire ?

Cela fait partie du jeu ; j’occupe des responsabilités, les magistrats ont les leurs. Je ne suis pas là pour dénigrer l’institution dont je suis le chef. Je sais que, à un moment donné, des hauts responsables de ce pays ont qualifié les magistrats de tous les noms, il y a parmi eux qui ont même proféré des insultes à leur endroit. Je n’ai insulté personne, car je suis l’interface entre l’institution judiciaire et les justiciables. En ce sens, ma mission consiste à corriger et à améliorer le travail et le fonctionnement de l’institution. Pour cela, le ministère s’est lancé dans le parachèvement de l’architecture judiciaire comorienne et récemment, nous avons fait voter par l’assemblée nationale le Conseil supérieur de la magistrature. Cet organe a pour vocation d’assurer la discipline des magistrats et leur indépendance.

Les justiciables comoriens perdent de plus en plus confiance en la justice. Ne craignez-vous pas qu’ils préfèrent finalement se rendre justice eux-mêmes au lieu de s’adresser aux tribunaux ? 

Non, il ne faut pas tenir ce discours. Je crois que dans tous les pays, il y a des difficultés vis-à-vis des institutions judiciaires. Nous sommes dans un pays démocratique, il faut donc renforcer les pratiques de bonne gouvernance. Nous devrons mettre en place toutes institutions afin de protéger les citoyens et leur donner la possibilité d’user de tous les moyens de recours en cas de litige afin de trouver des réponses à toutes ces inquiétudes.    

Dans l’affaire Yemenia, le juge a vidé son délibéré, il y a neuf mois, mais on attend toujours la rédaction de la décision ; ce qui bloque le recouvrement des indemnités accordées. Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour en finir avec cette histoire ?

En tant que ministre, je ne vais pas faire de l’interférence sur le fonctionnement de la justice. Ce sont des juges de siège, il faut les respecter. L’esprit de la note circulaire va dans ce sens : inviter le juge à travailler d’une manière rationnelle car je suis souvent interpelé.

Et mon devoir, c’est de les interpeler à mon tour. Je comprends que, dans ce cas précis, l’affaire Yemenia est difficile ; elle concerne plusieurs familles, mais j’estime que nous devons mettre tous les moyens nécessaires pour rédiger ce jugement. Ce retard de rédaction du jugement risque de porter un coup dur à toutes ces familles qui ont perdu un de leurs dans cet accident. Récemment, j’ai été interpelé par les avocats des familles des victimes et je ne peux pas rester insensible face à une telle interpellation.

Il y a dix mois, une quarantaine de greffiers ont prêté serment auprès des trois  tribunaux nationaux pour intégrer la profession. D’autres personnes ont rejoint le corps des greffiers sans passer par le concours. Pourquoi ce traitement à deux vitesses ?

Il faut mettre fin à ces pratiques. Même au niveau de la fonction publique, il n’y a jamais eu de concours de recrutement alors que les textes le prévoient. Jusqu’ici, les organes qui devraient s’occuper de l’organisation de ces concours ne sont toujours pas mis en place. Il faut parachever l’architecture des institutions pour garantir l’Etat de droit et afin que tout le monde soit égal devant la loi.

La maison d’arrêt de Moroni accueille des mineurs dans les mêmes conditions que les adultes. A quand une maison de correction pour ces jeunes?

La question des prisons, en particulier, la maison d’arrêt de Moroni, est un des problèmes qui préoccupent le gouvernement. Même récemment, lors du conseil des ministres du mercredi 16 septembre, la question a été abordée.

Dans le souci d’améliorer les conditions de vie des détenus, un projet de construction d’une nouvelle prison à Itsundzu est en cours, le géomètre s’est rendu sur les lieux pour faire l’étude du terrain et communiquer les données à l’entreprise qui aura la mission de construire le bâtiment. L’Organisation mondiale pour la paix va nous appuyer à construire la nouvelle prison, qui répondra à toutes les conditions de détention. Le bâtiment sera composé de plusieurs quartiers pour pouvoir accueillir les femmes et les mineurs. En résumé, une prison qui répond aux normes internationales.        

On vous dit proche du vice-président Mohamed Ali Soilihi, certains vous renvoient plutôt du côté de la Crc (Convention pour le renouveau des Comores), d’autres parlent de vous comme d’un ministre ‘‘neutre’’. Où peut-on vous situer ?

Je suis un ministre du gouvernement d’Ikililou Dhoinine. Certainement, je suis proche du vice-président Mohamed Ali Soilihi, cela va de soi. Mais dès mon retour au pays après mes études, j’ai commencé à travailler avec le régime Azali, c’est à partir de là que j’ai acquis de l’expérience dans l’administration. Ce qui peut aussi expliquer pourquoi on me colle cette étiquette Crc. Je suis au service de mon pays et politiquement, je suis de la mouvance présidentielle.

Propos recueillis par Mariata Moussa