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Othman Elias alias «Maalesh» : ‘‘Il faut détacher la Culture et le sport de l’Education’’

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MUSIQUE. Le droit d’auteur est une chose importante car c’est cela qui encourage l’artiste à produire, élargir sa créativité et gagner sa vie. Malheureusement, il n’y a aucune structure qui nous soutienne. Ce qui fait que les droits des artistes sont inexistants. Cependant quand je vois le ministère des Affaires étrangères, de la Justice, ou celui des Finances sombrer dans l’obscurité, je comprends pourquoi la culture est laissée à l’abandon.

 

Le Centre de créations artistiques vit des heures difficiles à cause d’une crise entre les artistes confirmés et les plus jeunes. Etant président d’honneur de ce haut lieu des arts, comment vivez-vous ce conflit?

Les artistes confirmés doivent appuyer les jeunes. Lors d’un de mes déplacements à Mayotte, je m’étais fait accompagner de jeunes artistes afin de leur permettre de s’épanouir en regardant travailler d’autres artistes. Ceux qui n’ont pas eu la possibilité de partir n’ont pas apprécié et c’est ce qui est à l’origine de la mésentente.

En vérité, il n’y a pas de conflit au sein du Ccac. Notre problème, c’est une question de budget de fonctionnement. Nous remercions l’Etat pour nous avoir légué le local, mais il n’y a pas d’accompagnement. Nous avons demandé un budget annuel de 3 millions de francs pour le fonctionnement et cela n’a jamais été accordé. Pour assurer les travaux courants, nous payons de nos poches.

Il n’y a jamais eu de conflit ouvert dans l’art, c’est avec de la persévérance et du travail acharné qu’on peut aboutir. Cela est valable partout. Dès qu’il y a un problème économique, c’est dans le secteur de la culture qu’on commence à faire les coupes budgétaires.

    

Cette crise ne risque-t-il pas de retarder le développement du centre?

Cela ne va jamais ralentir ceux qui veulent avancer. D’ailleurs, il n’y a pas de conflit, c’es une poignée de personnes qui ont des problèmes et surtout qui pensent qu’il suffit de claquer les doigts pour atteindre le sommet. Nous étions à Avignon, Soumette et moi, pour la présentation du Ccac et il y a des jeunes qui devraient se rendre en Belgique pour des manifestations. Leurs visas ont été refusés et ils ont pensés que c’est nous qui avons dit au service culturel de leur refuser le visa. Qu’est-ce que j’ai à y gagner en faisant cela?

Nous sommes là pour appuyer et accompagner tout artiste qui veut avancer. A mon époque, il n’y avait pas de Ccac, nous nous débrouillions tout seul.

C’est la première fois que le pays a un centre artistique digne de ce nom où tous les artistes ont accès. Le pays a toujours eu des centres d’animation culturelle, mais l’accès est réservé uniquement aux habitants de ces villages ou ces quartiers. A l’occasion de la présentation du Ccac à Avignon, nous étions obligés de squatter chez des amis car en dehors des frais de déplacement pris en charge par le service de coopération de l’ambassade de France, nous n’avons reçu aucune aide.

Quand on pense que les ministres partent tous les jours avec des grosses délégations et de gros frais de mission, nous nous demandons comment nos autorités peuvent, à ce point, manquer de considération pour les arts et la culture. C’est vraiment incroyable.

 

Une vaste campagne de sensibilisation sur la protection intellectuelle est en cours. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

Depuis plus de dix ans nous entendons parler de l’Organisation internationale de la propriété intellectuelle (Ompi). J’ai assisté à des réunions mais cela n’a rien donné. Nous sommes le seul pays de l’Océan indien qui ne respecte pas le droit à la propriété intellectuelle et cela constitue un véritable frein pour l’essor des artistes comoriens. Tous les artistes comoriens sont régulièrement victimes du piratage et, pire, cela se produit au su et vu de tous. Personne n’a jamais levé le doigt et les auteurs de cette infraction sont constamment dans l’impunité. On n’a jamais vu quelqu’un aller en prison ou inquiété parce qu’il a piraté l’œuvre d’un artiste.

Vous n’allez peut-être pas me croire mais, un jour je discutais avec un magistrat sur le sujet et ce dernier m’a dit de «ne pas faire tant d’histoire pour un Cd». Ce genre de réponse ou de comportement laisse imaginer le peu de considération qu’on accorde aux artistes.

Le droit d’auteur est une chose importante car c’est cela qui encourage l’artiste à produire, élargir sa créativité et gagner sa vie. Malheureusement, il n’y a aucune structure qui nous soutienne. Ce qui fait que les droits des artistes sont inexistants. Cependant quand je vois le ministère des Affaires étrangères, de la Justice, ou celui des Finances sombrer dans l’obscurité, je comprends pourquoi la culture est laissée à l’abandon. Le degré d’insouciance de nos autorités à l’égard de la culture est tout simplement sidérant.

Qui connaissait la Jamaïque avant ? Personne. C’est grâce à l’art et au sport que ce pays est mondialement connu. Ces disciplines nous ont donnés Bob Marley, Peter Tosh, Usain Bolt, etc. Haiti est un pays pauvre, mais il est connu grâce à sa culture. Chez-nous la politique politicienne et les cérémonies traditionnelles accaparent tout.

 

Aux Comores, l’artiste a des difficultés pour joindre les deux bouts. L’art n’y nourrit pas son homme. Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour renverser cette tendance?

Déjà, ceux qui travaillent dans l’administration publique ou le secteur privé n’arrivent pas à joindre les deux bouts, ce qui fait que tout le monde triche. Quand on enregistre quatre mois d’arriérés de salaires, ce n’est pas l’artiste qui ne perçoit aucun droit ou aide qui pourra vivre du fruit de son travail.

D’un autre coté, les agents du département de la culture n’ont aucun projet pour la culture et les artistes comoriens. Je pense qu’il faut rapidement détacher la culture et le sport du ministère de l’Education. Le volet Education est trop lourd en matière de budget et c’est la culture et le sport qui en font les frais. Il y a urgence à accorder plus de considération à la culture et aux arts.

 

Vous êtes actuellement en tournée mondiale pour la promotion de votre dernier album, Ntsobwe. Quelles sont les particularités de cette tournée ?

Chaque fois que je sors un album, j’effectue une tournée. Effectivement, à la sortie de mon dernier album, «Madi Mtsobwe,» j’ai fait quelques tournée, en France et dans l’Océan indien. Aux Comores, j’ai joué à Mwali avec des musiciens qui sont venus de Paris, une Malgache et une Cap-Verdienne. Personnellement, je n’ai pas de soucis à me faire, mon problème est comment faire afin que mes concitoyens, mes frères artistes en particulier, puissent avoir les mêmes chances.

 

Le monde artistique comorien est en deuil avec la disparition de Momo. ?

C’était un excellent musicien et sa disparition est une énorme perte dans le pays même si il a travaillé des années à l’étranger. Personnellement c’est un deuil qui me touche beaucoup. Je l’ai rencontré au Botswana quand j’effectuais ma tournée africaine, vers 1998, il était une star là-bas. Sa disparition est une grande perte, je viens de perdre un bon ami, un vrai musicien.   

Propos recueillis par Mariata Moussa