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Maissara Adam, présidente de Fawecom : «Il y a une volonté manifeste de marginaliser les femmes dans les partis politiques»

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«La solidarité doit pouvoir jouer au sein d’une même formation d’abord entre femmes politiques. Elles doivent pouvoir se soutenir et imposer des candidates pour qu’elles soient agréées par leur parti et faire en sorte que les moyens de leurs formations soient déployés sans réserve pour leur garantir le succès». L’enseignante et chef du département de droit à l’université a accepté de répondre aux questions du service politique d’Al-watwan. 

 

Al-watwan. L’actualité aujourd’hui est dominée par les préparatifs des élections de 2016. On attend pas beaucoup les femmes s’exprimer sur ces rendez-vous importants du pays.

M.A. Les femmes leaders manquent d’organisation. Celles qui sont dans la politique ne sont toujours pas bien préparées pour aller à des élections. Le bon sens voudrait que les femmes souhaitant briguer un mandat politique tiennent compte de la réalité du pays et acceptent de s’associer aux autres. Marcher seule n’aboutira à  rien. Nous devons tirer les leçons de l’expérience de notre soeur Zaharia Saïd Ahmed, qui malgré sa volonté et son dynamisme, n’a pas obtenu le soutien des Mohéliennes (Primaires de 2010) même si des féministes lui avaient reproché de ne les avoir pas informées.

 

Al-watwan. Justement, on  dénonce parfois le manque de soutien des femmes envers les consoeurs dans les différentes élections. Croyez-vous que les électrices comoriennes doivent privilégier les candidatures féminines au nom de la cause?

M.A. Pourquoi cela devrait-il se passer ainsi? Je dis toujours que nous devrons désormais décider de  voter en nous référant à des critères choisis sur la base de nos attentes qui, croyez-moi, deviennent de plus en plus nombreuses pour le bien-être du pays. Cela devrait être autant valable pour les hommes que pour les femmes. Quand j’ai évoqué le manque d’organisation je voulais juste dire que la solidarité doit jouer d’abord entre femmes politiques au sein d’une même formation.

Elles doivent pouvoir se soutenir et imposer des candidates pour qu’elles soient agréées par leur parti et faire en sorte que les moyens de leur formation soient déployés sans réserve pour leur garantir le succès.

 

Al-watwan. Un projet d’institution d’un quota pour la participation de la femme aux prises de décision a été initié par l’ancien président de l’assemblée nationale, Bourhani Hamidou. Qu’en est-il aujourd’hui?

M.A. Une commission a été mise en place pour faire le suivi de ce projet, mais depuis, je n’ai eu aucune information sur l’évolution des travaux. Je salue, toutefois, cette initiative et espère qu’elle sera validée par le parlement. Nous sommes très peu représentées au sein des instances dirigeantes des formations politiques. Et de ce fait, les rares personnes qui s’y sont engagées ont du mal à s’imposer. Nous servons les partis au même titre que les hommes, mais quand vient le moment de distribuer les postes, ils trouvent tous les prétextes du monde pour nous éclipser en disant souvent que nous n’avons pas le temps.

Je trouve cela frustrant et décourageant. J’estime qu’il y a une politique de marginalisation des femmes au sein des partis politiques qu’il faut à tout prix combattre et cela se fera plus aisément sur la base des textes de loi.

 

Al-watwan. Les prochaines élections ont la particularité d’avoir fait sortir de leur réserve d’anciens dirigeants parmi lesquels certains briguent la magistrature suprême. Que pensez-vous du regain d’intérêt des «dinosaures» à la gestion des affaires du pays aux plus hauts sommets?

M.A. Je n’ai aucune inquiétude à leur sujet. Après quarante ans de souveraineté nationale, nous disons que le pays fait aujourd’hui face à de nombreux défis et qui demandent des gens capables de tirer les leçons du passé de par leur savoir et leur expérience pour impulser le changement. S’ils ont des choses à proposer, pourquoi pas!

 

Al-watwan. Les défis sont nombreux, aujourd’hui encore plus qu’hier, pour améliorer le quotidien des citoyens et redonner confiance à la population. Etes-vous optimiste?

M.A. Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Je ne perds pas l’espoir d’avoir un dirigeant qui aura cette volonté de changer les choses. Il est vrai que l’on repartit les taches entre des ministres au sein du gouvernement mais, le chef de l’Etat doit avoir la capacité de désigner à ces postes capitales des personnes intègres et compétentes. Il est inadmissible qu’un président vienne par la suite dire qu’il a été trahi ou qu’il ne connaissait pas l’homme à qui il a confié une grande responsabilité dans la gestion des affaires de l’Etat...

 

Al-watwan. Certaines leaders d’opinion réclament le bilan des quarante ans d’indépendance. Pensez-vous que cela soit impératif avant les élections?

M.A. Il est vrai que le bilan doit se faire, mais vu la date des échéances, je pense que cela ne peut pas se faire maintenant. Nous devons évaluer le chemin parcouru depuis 1975, mais aussi évaluer la «tournante». Il nous faut, à mon avis, nous prononcer chacun à travers une consultation populaire, sur la poursuite ou l’abandon de la tournante.

 

Al-watwan. Beaucoup estiment que le bilan des quarante ans d’indépendance des Comores est négatif. Etes-vous de cet avis?

Je pense que le pays peut mieux faire. Mais nous avons réalisé beaucoup de choses dans certains secteurs et dans d’autres, on n’a pas évolué. Reconnaissons qu’aujourd’hui, nous avons une université avec presque 100% d’enseignants locaux même si des choses peuvent encore être améliorées. Nous avons des dizaines de médecins alors qu’on n’en avait pas dix en 1975. Par contre, sur le plan politique à proprement parler, les dirigeants sont défaillants par le fait qu’ils placent l’intérêt personnel au-dessus de l’intérêt général.

 

Propos recueillis par Saminya Bounou