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Robby Judes, ambassadeur de France sur la Cop 21 : «Les Petits Etats insulaires seront les premiers bénéficiaires»

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Robby Judes, ambassadeur de France en Union des Comores répond aux questions d'Al-watwan sur la coopération, les actions de l'Agence française de développement, le  vote de la diaspora, les entreprises françaies aux Comores, la question de Mayotte, le Cop21...

 

Al-watwan : La France vient d’allouer une enveloppe d’environ 250 millions de francs comoriens  à l’Agence française de développement pour financer des projets dans des nombreux secteurs aux Comores. Quels sont les principaux domaines qui en seront bénéficiaires?

Robby Judes : Trois principaux secteurs sont concernés. Ils sont d’ailleurs les secteurs privilégiés dans lesquels travaille l’Agence française de développement. Il s’agit du secteur de l’eau, de l’environnement et de la santé. L’eau où l’aide portera sur le renforcement de la capacité des institutions étatiques et des structures communautaires et privées en charge de la mise en œuvre de la politique sectorielle «eau et assainissement» et de la gestion du service public de l’eau aux Comores.

Concernant l’environnement, ce sont des actions qui seront mises en place pour réaliser des études afin de développer et de valoriser le potentiel du Parc marin de Mwali, notamment au niveau du secteur productif. Et en fin, la santé, dont des études de faisabilité seront menées pour la mise en oeuvre du troisième volet du programme Pasco3 qui est en cours d’instruction pour un montant de 7 millions d’euros, soit 3,444 milliards de francs comoriens.

 

Al-watwan : Les entreprises françaises sont en difficulté, notamment Colas, à Handuli, et Lafarge. On leur reproche de ne pas respecter les textes, particulièrement le groupe Lafarge. Ces déboires ne constituent-ils pas l’illustration des relations aujourd’hui compliquées entre les deux pays?

Robby Judes : A part notre différend sur Mayotte, dans tous les autres domaines, les relations entre la France et l’Union des Comores sont excellentes. Concernant ce qui s’est passé entre Lafarge et Colas, en effet, nous avons constaté quelques incompréhensions de part et d’autre, mais d’après les informations dont je dispose, les choses vont en s’améliorant. En tout cas, pour Colas, je pense que tout le monde a compris que la venue de cette société aux Comores se faisait pour le bien de la société comorienne dans son ensemble.

 

Al-watwan : En novembre 2013, la France et l’Union des Comores avaient mis en place une commission paritaire dans le but de faciliter la libre circulation des biens et des personnes. Depuis, c’est presque le statut quo. Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui la France de simplifier les procédures d’obtention du visa d’entrée à Mayotte? Comment peut-elle rester indéfiniment indifférente à ces drames à répétition dans le bras de mer entre Ndzuani et Mayotte?

Robby Judes : La France n’est pas indifférente au drame entre Anjouan et Mayotte. Elle ne l’a jamais été et elle ne peut pas l’être. Lorsqu’une femme et un enfant disparaissent dans ces conditions, comment peut-on être indifférent à ces drames, certainement pas. La France n’est pas indifférente et lorsque vous parlez de statut quo, je ne suis pas d’accord avec vous.

Le Haut conseil paritaire, qui a été énoncé fin 2013, a eu plusieurs réunions. Il ne date pas d’il y a cinquante ans, c’est une construction récente où la France et les Comores oeuvrent et agissent pour avancer sur ce dossier. Là encore, je tiens à apporter une précision, il y a eu une amélioration pour l’octroi des visas d’entrée à Mayotte, notamment pour les populations fragilisées, pour les malades qui peuvent se rendre très facilement à Mayotte, qui ont immédiatement un visa. C’est aussi vrai pour les entrepreneurs, les jeunes, les enseignants, les chercheurs et c’est aussi vrai pour les Comoriens qui ont de la parenté à Mayotte. La France ne fait pas d’obstruction pour empêcher les Comoriens à se rendre à Mayotte.          

 

Al-watwan : Dans son dernier discours à l’Onu, le président Ikililou Dhoinine a déclaré que malgré la Déclaration de Paris, signée entre lui et son homologue François Hollande, ‘‘la partie française refuse d’admettre que tous les Comoriens, quelle que soit l’île dont ils sont originaires, puissent circuler librement chez eux». A force de refuser cette main tendue, la France ne pousse-t-elle pas la partie comorienne à radicaliser sa position?

Robby Judes : Là encore, ce sont des mots qui me semblent radicaux. Vous avez parlé de radicalisation, en effet, j’espère ne pas aboutir à une solution radicale puisque nous travaillons ensemble, Comoriens et Français, pour faire en sorte d’arriver à une solution acceptable par tous, pour les trois acteurs, la France, l’île de Mayotte et l’Union des Comores. Il s’agit vraiment de contenter tout le monde. C’est difficile, mais, nous y croyons et nous y arriverons. Il faut travailler d’arrache pied pour que les choses s’améliorent. Et en tout cas, la partie française a la volonté de faire en sorte que les choses s’améliorent pour qu’il y ait une véritable coopération régionale qui s’installe dans la région, qu’il y ait un rapprochement entre toutes les entités de l’océan indien, en particulier entre Mayotte et l’Union des Comores.

 

Al-watwan : Les Comores ont élaboré et présenté leur contribution dans le cadre de la  conférence sur le climat qui aura lieu à Paris, en décembre prochain. Que peut espérer l’Union des Comores? N’est-ce pas un débat qui concerne plus les pays riches qu’un petit Etat tel que les Comores, qui ne dispose d’aucune unité industrielle ?

Robby Judes : Les menaces sur le climat sont des menaces globales ; la pollution ne connait pas de frontières. Lors de mon dernier passage sur la côte Nord-est du pays, j’ai pu constater les dégâts occasionnés par le tsunami de 2004, ce qui veut dire que les Comores ne sont pas à l’abri du changement climatique en cours. Il ne faut pas voir que cette question comme quelque chose qui touche les pays pollueurs. Nous polluons tous. Je suis d’accord avec vous pour dire que les Comores sont parmi les pays les moins pollueurs, cela est une évident. Il y aura bien évidemment des conséquences positives, puisque nous espérons arriver à des accords contraignants à la Cop 21, qui va démarrer le 30 novembre à Paris. A l’évidence, les Petits Etats Insulaire en Développement, comme les Comores seront les premiers bénéficiaires. Il va sans dire que la solidarité se mettra en marche pour venir en aide à ce type de pays qui sont les plus vulnérables devant les changements climatiques et qui sont aussi les plus en difficultés. Oui, de manière très claire, les Comores devraient bénéficier de la tenue de cette conférence climat qui aura lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre.

 

Al-watwan : L’objectif de la Conférence sur le climat prévue à Paris en décembre est de contenir le réchauffement climatique dans une limite de 2 degrés à l’horizon de 2050. Les pays les moins avancés demandent que les plus grands pollueurs assurent le transfert de technologie propre et leur donnent les moyens de faire face aux conséquences du réchauffement. A Copenhague en 2009, ce point avait entrainé le refus de nombreux Etats de signer l’accord final. Qu’est-ce qui garantit que cette fois encore, on ne va pas être confronté au même problème ?       

Robby Judes : Vous posez-là une question difficile, mais je peux vous répondre en observant le comportement de la plupart des parties prenantes et de l’immense majorité des Nations qui vont participer à la conférence climat à Paris. Vous constaterez qu’il y a une inflexion dans les prises de décisions des différents pays. Beaucoup de nations qui, il y a quelques années, étaient vent debout dès lors qu’on leur parlait de lutte contre le changement climatique ont changé leur discours et constaté que le changement climatique était une réalité.  Et beaucoup de ces nations avaient déjà mis en place des solutions locales, notamment pour diminuer la pollution, pour œuvrer au niveau d’une agriculture propre ou pour faire en sorte qu’il y ait moins d’émanation de Co2. Donc, il y a une prise de conscience au niveau mondial et j’espère que cette prise de conscience se traduira par un résultat positif à Paris, ce qui n’a pas été hélas le cas à Copenhague.

 

Al-watwan : Après l’humiliation d’août dernier à La Réunion, les Comores viennent de se voir refuser l’organisation des Jeux des Iles de l’Océan Indien de 2019 au profit de Maurice. Les autorités comoriennes, qui estiment avoir fourni toutes les garanties nécessaires, dénoncent un ‘‘mépris’’ du Comité international des Jeux (Cij). L’Union des Comores serait-elle devenue le mouton noir de l’océan Indien ?

Robby Judes : Je vous réponds de manière ferme que la France n’a absolument rien à voir dans cette histoire. Les gouvernements n’ont pas été consultés, d’ailleurs, ils n’avaient pas à l’être. C’est une décision qui a été prise par et au sein des instances sportives, notamment le conseil international des jeux, qui a pris sa décision et les pouvoirs politiques n’ont pas du tout été consultés et n’avaient pas à intervenir. Je vous le répète, la France n’est impliquée ni de loin, ni de près dans cette affaire. Je parle de la France en tant que gouvernement, en tant qu’ambassadeur de France auprès de l’Union des Comores, en tant que préfet à la Réunion, nous ne sommes en rien dans cette affaire. Il faudrait plutôt se tourner vers les instances sportives, notamment le comité olympique.

 

 

Propos recueillis par  Mariata Moussa