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Opinion. Le tour de Mayotte dans le cadre de la Présidence tournante

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(Par Saandi Assoumani)

 

En ce moment précis de notre histoire, une situation, un rendez-vous et deux cris nous interpellent.

La situation est celle de notre pays qui n’a jamais été aussi catastrophique, si l’on s’en tient à ce que dit la grande majorité des Comoriens et si l’on se réfère à la situation sociale caractérisée par une crise généralisée se manifestant dans tous les domaines  : électricité, eau, santé, éducation, routes, chômage des jeunes, pauvreté grandissante. Le pays semble avoir du mal à trouver la formule, pourtant simple, qui ferait que dans les affaires publiques on irait pour servir les autres et non pour se servir. La même formule permettrait d’utiliser chaque comorienne et chaque comorien là où il est meilleur quel que soit son origine, sa sensibilité, comme nous a montré l’équipe nationale de football qui a rendu tant fierté à notre pays et démontré que notre pays n’est pas condamné à l’échec.

Le rendez-vous est celle de notre pays avec son unité intégrale à l’heure où arrive le tour de Mayotte dans le cadre de la Présidence tournante. Nous savons tous ce qui s’est passé autour et après referendum d’autodétermination de 1974 et dont la reconnaissance internationale des résultats fait que Mayotte est comorienne de droit, en plus de l’être par nature. En effet, après la proclamation unilatérale de l’Indépendance suivi du maintien illégal de Mayotte dans le giron, nous nous sommes laissés entrainés dans des querelles de pouvoir à travers des coups d’Etat dont la finalité était en réalité le discrédit de l’Etat Comorien pour rendre irréfutable ce qui est un forfait au regard du droit international, de l’histoire et de la morale.

Depuis lors, l’Ile de Mayotte pris un chemin institutionnel opposé aux trois autres, même si l’attrait  du sang, de la culture, de l’unité géographique et par-dessus tout, la réalité de de l’histoire sont invincibles. Malgré les déclarations aux différentes tribunes internationales, aucune véritable stratégie n’a été déployée sur la question. Entretemps, la décadence de la gestion publique et ses conséquences dans les conditions de vie de la population sont utilisées comme épouvantail par certains auprès de nos frères de Mayotte.

Les deux cris sont ceux d’Ali Bazi Selim et de Youssouf Moussa.

Le premier est un vétéran de l’indépendance qui a été personnellement de tous les combats ayant abouti à la création de notre Etat, et à ce titre, pouvant porter le message des pères fondateurs. Monsieur Bazi crie à la faillite de l’Etat, de son économie, de sa dignité, de sa fierté et appelle à une thérapie collective pour reconnaitre nos erreurs et rebâtir notre pacte social et nous apprêter à un nouveau départ. C’est en d’autres termes ce que les ingénieurs nous conseillent lorsqu’une machine fait un bug qui fait qu’elle se plante : un resert. Quelle sagesse !!!

Le deuxième cri est celui de Yousouf Moussa, patriote hors norme, symbole des Comores Unies, résistant infatigable. Ce dernier vient de crier à la faute, le fait de passer outre le tour de Mayotte comme si rien n’était, ignorant même les compatriotes de l’Ile qui ont voulu se saisir de cet évènement pour se rapprocher des autres îles sœurs. Car, à n’en pas douter, une bonne partie de nos frères avalent de plus en plus difficilement les humiliations inhérentes au statut de colonisé.

Au-delà de leurs parcours personnels, ces deux personnages incarnent la lutte comorienne dans ces dimensions idéologique, géographique et sociologique.

Pour le premier cri, il est évident que les Assises nationales sont aujourd’hui indispensables pour sortir notre pays de l’enlisement dans lequel il est engouffré.

Pour le second cri, avant même que les assises puissent se tenir et apporter ses solutions, je voudrais faire quelques suggestions qui nous feraient rectifier des erreurs graves que nous avons encore commises communément.

La première est presque une reprise des dires de Youssoufia Moussa. En effet, si en 2016, l’Ile de Mayotte n’est pas en situation d’assurer son tour de la Présence tournante, cela doit être formellement constaté et politiquement acté. Par les Assisses Nationales s’elles ont lieu. Par un Congrès réunissant les députés et les conseillers des îles à défaut des Assises. Par l’Assemblée Nationale à défaut d’un congrès. Dans tous les cas, la Cour Constitutionnelle doit faire acte sur ce sujet. Ceci serait un message très fort envers l’ensemble de la communauté internationale et en vers les patriotes de Mayotte qui verront que le pays ne s’est pas résigné et refuse le statu quo actuel.

La deuxième proposition consiste à faire en sorte que chaque liste aux présidentielles de l’Union puisse comprendre un compatriote originaire ou au nom de l’Ile de Mayotte – A défaut que le Président soit de Mayotte, un Vice-Président – D’ailleurs, Pourquoi ne pourrait-on pas permettre qu’un les ressortissant de cette Ile se porte aux Primaires de l’Ile à qui échouera le tour, au titre de la situation exceptionnelle qui prévaut. C’est autant de dispositions qui auraient pu être appliquées depuis le début de l’actuelle constitution.

La troisième proposition consiste à faire entrer à l’Assemblée nationale des députés de Mayotte en vertu du quota de 5 députés par île qui ne sont pas votés par circonscription. Tous les compatriotes qui sont à Mayotte peuvent voter une liste unique par Internet. On inaugurerait le vote électronique. Cette disposition peut être complétée ou renforcée par un vote par le congrès d’une partie des parlementaires de Mayotte dans les circonstances actuelles. Ceci est faisable tout de suite. C’est aussi une chose que nous aurions dû faire depuis.

La quatrième proposition est de nommer un Gouverneur - Délégué pour l’Ile de Mayotte, avec pour mandat de veiller à la vie économique et social de nos compatriotes qui se reconnaissent dans la République, de participer à la gouvernance du pays. Mais comment l’Etat peut se justifier qu’il ne contribue à rien à la vie de nos compatriotes, à l’image de Youssouf moussa, résiste depuis plus de quarante ans. Cet oubli est coupable et a lieu d’être rectifié.

La cinquième proposition est de donner symboliquement quelques postes clefs à nos compatriotes de Mayotte parmi lesquelles celui d’ambassadeur des Comores aux Nations Unies, à l’Union Africaine ou à l’Union Européenne. Ceci donnerait un poids émotionnel à notre action diplomatique.

Nous vivons un moment historique. C’est avec le sens de l’héritage qui nous a légué les pères de la Nations (Said Mohamed Cheikh, Said Ibrahim, Ahmed Ahmed, Ahmed Abdallah) et le respect de la mémoire de ceux qui sont tombés sur le terrain de la bataille comme Ali Soilihi, que nous devons l’aborder.

Il est un moment que la conquête du pouvoir ne doit pas être le seul horizon. C’est ceci qui a fait que malheureusement nous avons manqués les principaux rendez-vous avec notre histoire. A savoir si nous sommes capables de ne pas faire les mêmes erreurs.