Zilé Soilihi : ‘‘il nous faut apporter un remède aux maux qui enfoncent le pays dans les bas-fonds de la pauvreté’’
Ingénieur diplômé de l’Ecole centrale de Marseille, docteur en Mathématiques, Zilé Soilihi a pris l’initiative de réunir les acteurs de la société civile à Moroni pour échanger sur les perspectives de développement des Comores. Al-watwan l’a interrogé sur cette initiative et sur d’autres sujets encore.
D’où vient cette initiative de réunir les acteurs de la société civile?
Cette initiative prend appui sur le questionnement « la société civile peut- elle- rester les bras croisés ? ». Elle fait le constat qu’à l’heure où les Comoriens se préparent à choisir celui ou celle qui va prendre la tête de notre pays, la société civile se retrouve encore une fois ballottée dans des partis qui , mis à part quelques exceptions, ont du mal à nous exposer un programme d’actions susceptibles de mobiliser le peuple comorien et d’apporter un remède aux maux qui enfoncent, année, après année le pays dans les bas-fonds de la pauvreté, de la misère, et du sous-développement.
Des intellectuels, des cadres, des entrepreneurs, des jeunes étudiants ou lycéens, ceux qui font et feront la force du pays, suivent pour certains, les chemins des maitres du verbe et de l’apparat.
Le régionalisme, cette maladie qui veut que le fait d’être d’un village, d’une région ou d’une île, donne des vertus et des talents, nous ronge et nous tue depuis longtemps à petit feu. C’est ainsi que nous regardons le train du progrès passer, voir d’autres pays, hier moins avancés que nous, retrouver le chemin du bien-être et du développement. Et pourtant ce ne sont pas les talents qui manquent ! De nombreux Comoriens brillent dans notre pays et d’autres apportent leur énergie et leurs idées à d’autres régions du globe.
Cette analyse m’amène à m’adresser aux Comoriens, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, qui ressentent le désir impérieux du changement pour leur dire : Nous ne pouvons plus.
Qu’avez-vous à leur dire ?
Je ne les invite pas à créer un nouveau parti politique ou un groupuscule quelconque sur la base de telle région ou tel village! Non! Je les invite à réfléchir! Nos fonctions, notre expérience nous ont permis, nous qui construisons ici et là –bas, d’avoir une vision du monde qui va au-delà de nos clivages habituels. Cette vision des Comores de demain, chacun d’entre nous en détient une part de la clé.
Mais il convient, cette fois ci, de construire ensemble cette vision commune ! Cette construction je souhaiterais qu’elle se fasse hors des considérations liées à des partis. C’est la voix de la Société civile qui, cette fois, doit s’exprimer pour apporter une réponse à la question : Que voulons-nous pour notre pays ? Sommes-nous capables de formuler avant les élections une réponse partagée à cette question ? Avons-nous le temps et l’énergie pour cela ? Ma conviction personnelle est que nous avons le devoir impérieux d’essayer! L’exercice est difficile, mais il n’est pas impossible en priorisant les choses, de construire une vision partagée du devenir de notre pays dans le délai imparti.
Quels sont les thèmes et les résultats attendus de ce forum ?
Je vous propose une méthode, l’exploitation d’un espace d’échanges sur internet, et un forum. Ce forum va réunir des expertises ou des contributions de la société civile comorienne du monde entier pour concentrer le «tir» sur les sujets principaux, ceux qui demandent plus que d’autres une réflexion articulée. Nous faisons le choix de travailler sur des thèmes prioritaires et pour ces thèmes de dégager des projets que nous jugeons à fort impact à court et moyen terme.
Il n’est pas essentiel que nous abordions tous les chantiers possibles. Ce que nous cherchons est de définir pour chaque thème des projets à victoire rapide (ce que les anglais appellent les quicks Win) qui peuvent rapidement enclencher la démarche du changement.
L’exercice est difficile, car il force à sortir des sentiers battus pour imaginer des réponses originales aux défis auxquels est confronté notre malheureux pays. Les thèmes qui seront traités dans ce forum sont : l’Energie, le tourisme, les Comores et la transition numérique, le système de formation, le système de santé, l’entreprenariat et la gouvernance.
Ce sont ces sujets qui vont être la matière principale du Forum « de la Société Civile » que nous organiserons fin Janvier/ début février aux Comores sur une durée de 3 jours. Bien entendu s’il apparait qu’un projet intéressant présentant des bénéfices court ou moyen terme, se présente dans les travaux, sur d’autres thèmes que ceux retenus ci-dessus, nous les prendrons en considération. Notre approche est très pragmatique à cet égard.
Quel est le cadre d’exécution du forum?
Les participants à ce Forum sont des volontaires de la diaspora associés à d’autres volontaires résidant en Union des Comores, appartenant à la Société Civile et liés par une volonté commune de construire les propositions et les projets qui feront rentrer le pays dans une démarche vertueuse de progrès et de développement.
Pour une réflexion aboutie, je souhaite pouvoir compter 25 volontaires de la diaspora et 25 volontaires au pays (cadres, intellectuels, médecins, professeurs, entrepreneurs, étudiants de l’enseignement supérieur, ingénieurs, économistes, experts des thématiques mentionnés supra, etc.). Tous les thèmes mentionnés ci-dessus ont reçu pour la plupart, de nombreuses contributions de consultants nationaux et internationaux intervenant au pays. Des rapports, pour beaucoup pleins d’enseignement dorment sur des étagères sans aucune capitalisation.
La première étape de préparation de notre réflexion consiste, d’abord, à puiser dans ce matériau, à en faire une synthèse claire. Ce travail sera mené en partie par des volontaires résidant. Cette étape sera finalisée une semaine avant la tenue effective du Forum.
Y a-t-il d’autres projets ?
D’autres projets peuvent être proposés au travers d’un groupe Facebook privé, modéré situé à l’adresse suivante «Des projets pour les Comores de demain ». Grace à cet outil j’ai déjà identifié quatre projets intéressants, originaux, ainsi que d’autres ayant fait leur preuve dans d’autres pays confrontés à des problèmes similaires aux nôtres.
Des experts du Canada, des Etats Unis, des entrepreneurs de France ont salué cette initiative et manifesté leur volonté de contribuer. Les contributions en ligne feront l’objet de synthèses coordonnées avec celles des études marquantes existantes traitant des thèmes du Forum. Le Forum sera un grand moment à l’issue duquel nous exposerons nos propositions aux partis politiques, aux organisations internationales, aux pays partenaires présents en Union des Comores.
Ce sera l’occasion de montrer, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, que l’intelligentsia, en mettant de côté toutes les considérations politiques et partisanes, proclame aux yeux du monde. Nous ne resterons plus les bras croisés.
Propos recueillis par AAA